Test - Vagrant Story

Après avoir réalisé Final Fantasy Tactics, le génial Yasumi Matsuno se lance dans un projet beaucoup plus ambitieux dans un style très différent, un hybride Action-Dungeon-RPG: Vagrant Story!

L'histoire démarre au château du duc Bardoba. Le culte de Müllenkamp a kidnappé le jeune fils du duc et l'a emmené dans les profondeurs d'une ville abandonnée (suite à un terrible tremblement de terre) : Léa Monde. C'est à Ashley Riot, agent spécial du VKP (Valendia Knights of the Peace) d'aller le sauver. Mais ce qui va compliquer singulièrement la situation c'est la présence d'une troisième faction : les Knights of the Cross, milice chrétienne extrémiste menée par un certain Romeo Guildenstern. Autant vous prévenir tout de suite, le scénario est extrèmement riche et complexe et ce n'est qu'à partir de la deuxième ou troisième fois que vous ferez le jeu que vous commencerez à en comprendre toutes les subtilités (il existe également des FAQs bien utiles mais gare aux spoilers). En fait, certains points scénaristiques sont même controversés et certaines interprétations peuvent radicalement différer d'une personne a l'autre.

Bon scénario en fait... Bien prise de tête par moments mais on sent bien qu'il y a quelque chose. Le design général du jeu, comme l'a indiqué Yasumi Matsuno dès le début du projet, est purement Européen. Les concepteurs sont même venus en Europe visiter églises et châteaux pour s'imprégner des décors. On peut dire que sur ce point, le jeu est une réussite totale. Couleurs sobres, architectures baroques, le tout forme un ensemble cohérent et réaliste qui aide énormément à se plonger dans l'ambiance moyen-âgeuse et mystique du jeu.

Visuellement, le jeu est entièrement en 3D. Les décors sont magnifiques et regorgent de détails mais ils sont parfois un peu répétitifs (il doit y avoir une douzaine d'environnements différents). Les personnages sont également très bien modélisés, notamment les visages qui sont étonnants d'expressivité. Le problème avec l'aspect visuel de Vagrant Story, c'est que les textures sont très belles dans la vue classique de jeu (vue de dessus) mais dès que l'on se rapproche un peu (en se mettant en vue subjective par exemple, ou pendant les séquences scénaristiques), on se rend compte qu'elles sont grossières et qu'elles pixellisent beaucoup. Mais dans l'ensemble, Vagrant Story est très détaillé et très esthétique d'un point de vue graphique. L'animation est fluide et ne ralentit jamais sauf pendant l'utilisation des gros sorts magiques.

Les musiques sont composées par Hitoshi Sakimoto mais tranchent radicalement avec les thèmes mélodiques/symphoniques de ses précédentes compositions (Ogre Battle, Tactics Ogre, Final Fantasy Tactics, Radiant Silvergun...). Ici, on est en présence de musiques plutôt électro-ambiant avec quelques thèmes magnifiques tout de même. Le génie est toujours là mais le style est indéniablement différent. Les bruitages sont également très bons. On sent bien que les designers du jeu ont tout misé sur l'ambiance et sur le plan sonore comme sur le plan visuel, c'est une réussite totale !

Tout comme le scénario, le système de jeu est très complexe. Les combats se déroulent en pseudo-temps réel: on se déplace en temps réel, mais on attaque par l'intermédiaire d'une sphère de portée (de taille variable, en fonction de l'arme ou du sort) qui apparait autour du personnage et qui permet de choisir en toute tranquilité la cible que l'on veut viser. Sur certains ennemis, on peut viser différentes parties de l'ennemi ce qui est tactiquement intéressant (par exemple, il est possible de viser sans arrêt les jambes d'un ennemi humain afin de l'immobiliser). Le système d'armes est encore plus compliqué. Chaque arme possède ses propres affinités : type d'ennemi (humain, animal, mort-vivant...), élément (feu, eau...), type de dégâts (perçant, tranchant...). Si vous attaquez toujours un même type d'ennemi avec une arme, l'affinité (donc l'efficacité) de cette arme pour ce type d'ennemi va augmenter alors que l'affinité pour les autres types d'ennemis va diminuer, idem pour les éléments... En plus de ce système déjà singulièrement complexe, vient s'ajouter le fait que l'on peut forger et créer de nouvelles armes plus ou moins puissantes en les désassemblants : par exemple, une épée = pommeau + lame, on peut alors reforger une arme avec ce pommeau et une autre lame... Ou bien, on peut également combiner directement les armes entre elles pour aboutir à une nouvelle arme (par exemple, un épée Shamshir et une épée Firangi donnent une épée Falchion, cette dernière étant plus puissante). Mais seules certaines combinaisons produisent une meilleure arme. Heureusement, on voit le résultat des combinaisons avant de valider (car l'opération inverse est bien sûr impossible ^_^).

Parmi mes confuses explications (loin d'être exhaustives, je n'ai pas parlé du système de combo, de magie, des gemmes, etc.), vous aurez au moins compris que maîtriser le système de jeu est quasiment impossible. C'est frustrant car il est tellement facile de se perdre dans toutes les possibilités qu'on a plutôt la flemme de les exploiter (surtout que certaines, comme forger et combiner ses armes par exemple, ne sont pas indispensables pour finir le jeu). Le seul système qu'il faut absolument maîtriser (sinon gare aux problèmes contre les boss) est le système d'affinités des armes et des armures. Il est indispensable de posséder au moins 3 ou 4 armes différentes, chacune étant spécialisée dans un ou deux types d'ennemis. Les ennemis étants très variés, il est alors indispensable de changer sans arrêt d'arme, ce qui nous amène a un problème particulièrement pénible dans le gameplay de Vagrant Story: le fait qu'il faille passer par les menus pour tout faire. En effet, il est nécéssaire de traverser pas moins de trois ou quatre menus avant d'accéder au choix des armes. Les menus n'étants pas spécialement rapides ni pratiques, c'est une catastrophe. Cela casse sans cesse le rythme alors qu'il aurait suffit de faire un système utilisant les gachettes R2-L2 par exemple pour changer d'armes directement en jouant. Bref, l'ergonomie dans Vagrant Story, ca rime mais sinon c'est pas trop ça...

Un aspect qui est par contre superbement réussi : les séquences scénaristiques. Elles sont toutes en temps réels, utilisant le moteur du jeu, et sont vraiment mises en scène de manière magistrales (encore meilleures à mon avis que dans Metal Gear Solid, ce qui n'est pas peu dire): il suffit de voir la séquence d'introduction pour s'en rendre compte. Le jeu n'est pas très long (une vingtaine d'heures pour la première partie) mais il y a un système de "New Game +" qui permet de garder ses stats, ses équipements et d'accéder à des zones spéciales du jeu (donjon bonus, etc.).

Malgré quelques problèmes d'ergonomie particulièrement frustrants, Vagrant Story reste un jeu magnifique qui repose sur une ambiance et une mise en scène absoluments fabuleuses et un scénario aux détails un peu confus mais très élaboré. La réalisation est digne de SquareSoft et, bien qu'imparfait, on sent que Matsuno et sont équipe ont mûrement réfléchi le système de jeu. Peut-être en ont-ils trop fait cette fois. Mais je le répète, malgré ces quelques défauts, cela reste un excellent titre.